LA NICHANOU, LA POITEVINE OU MIRABELLE... CES NOMS DE BAPTÊME DE NOS MAISONS
Un immense merci à Danièle MARTINEAU qui a pris de son temps pour compiler toutes les photographies que vous pouvez voir ci-dessous
Cette pratique sympathique est apparue en France dans la seconde moitié du XIXème siècle et concernait d’abord les villas des estivants. Celles-ci s’appelaient le plus souvent «chalets» et étaient soit des petits abris de plage ou des maisons de montagne ou forestière. Cette nouvelle mode a marqué à ses débuts un renversement du rapport entre les noms de famille et la maison. Les domaines de grands propriétaires étaient appelés villas bien avant cette période.
Avant cela, historiquement la famille tirait son patronyme du caractère distinctif et de situation de sa maison. On était alors connu, reconnu, identifié par rapport à sa maison.
Avec l’arrivée de ce courant nouveau, ce sont au début les familles qui donnent leur propre nom à leurs villas neuves (Chalet Verneuil...).
Mais le siècle de Dumas, Hugo, Flaubert, Musset... est aussi celui des aventures coloniales et de l’exotisme. Alors apparaissent des noms qui évoquent l’Afrique ou l’Extrême Orient. Les chalets «Les Bambous, L’Oasis,»... fleurissent assez vite dans tous les lieux de villégiatures. Les demeures des bords de mer se développant, l’imagination devient débordante et l’usage de nommer sa maison se répand très vite atteignant les propriétaires de belles demeures, de domaines ou de petits pavillons de banlieues à la lisière des villes.
Jusqu’à la seconde guerre mondiale, les maisons titrées d’un prénom de femme ou de noms évocateurs de rêves ou aventures, de paysages, de régions ou d’arts sont les plus courantes.
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L’engouement se fondait aussi sur le fait que dans bien des communes et dans certains cas, le nom de la maison équivaut à son adresse. L’importance du nom change de nature dès lors que des années 1940 à 1970, les communes établissent des numérotations par rue qui deviennent alors la seule adresse officielle. A partir de là, les noms donnés aux maisons deviennent vraiment une affaire personnelle.
Même s’il n’est plus nécessaire de nommer sa maison, l’usage reste répandu.
Si vous déambulez dans les allées du parc Clémenceau, vous noterez une variété de noms baroques, exotiques, excentriques aussi. Ils reflètent pour beaucoup la mode du début du XXème siècle. Dans le parc du Rocher dont la création a été accordée au lotisseur en 1956, les noms s’inspirent plus des années 60 et 70. Le cahier des charges du parc privé portait obligation à chaque propriétaire de dénommer sa villa. Quelques noms ont aujourd’hui disparu, au gré des changements d’occupants. Mais qui n’a pas, en faisant une promenade, regardé et lu systématiquement les dénominations variées et charmantes qui identifient nos pavillons ?
Sans avoir l’âme forcément nostalgique, combien restent émus devant «Tum’plais » ou «Mon Château», «La Bourrine», «La Vendéenne» ou «Vent d’Est»... C’est que le nom suspend un court instant, l’indifférence du passant.
Il l’interpelle, suscite en elle ou lui, des sentiments, des questions, des sourires et des étonnements éphémères.
Chaque nom lu sur une façade est un micro-événement silencieux et fugitif. Le promeneur sait que c’est à lui, au fond, que l’habitant s’adresse.
Du secret de la maison émane un message à interpréter. La diversité des noms que nous pouvons découvrir à La Grière est rafraîchissante et majoritairement liée à la famille qui a fait construire le pavillon.
Les noms de maisons vont évoquer une forme d’habitat historique du secteur, «La Cabane»... «La Yole». D’autres évoqueront les ancêtres ou les proches comme «Les Chouans», «La Hutte». «Le Bercail», «Les Bambins», «Isabelle», «Le Nid», «Le Refuge»... parlent des conforts, de l’intimité et des plaisirs de la vie de famille. Tous les thèmes se retrouvent dans ces noms joliment apposés sur les murs des villas maritimes comme la musique «Do, Ré, Mi», la flore avec par exemple «Mimosa» ou «La Roseraie», «Les Glycines»... On se dit aussi que parfois, ce sont les enfants qui ont été appelés à choisir car les contes de fée y sont présents avec «Cendrillon», «Chat Botté»... Le climat y a sa place avec «La Brise», «Le Mistral» pour le sud... Et puis la recherche du nom a été aussi source de créativité avec parfois un mélange d’initiales des enfants ou des mots accolés, des jeux de mots, des noms ironiques qui laissent le passant se perdre en conjectures et surprennent, ou font sourire.
Cette tradition se perdrait-elle ? Sans doute peut-elle paraître dépassée, hors du temps...! Seriez-vous attachés à ce qu’on la maintienne dans le Parc du Rocher car cela fait partie intégrante du charme des lieux ? De nouveaux occupants seraient-ils tentés, en ces temps où se perdent les rituels, de rebaptiser leur maison devenue sans nom...?
Cette tradition n’a- t-elle pas un aspect reposant, significatif d’un lieu paisible où les noms d’un côté de la rue semblent répondre à l’autre côté et aux maisons voisines parfois dans une bienveillante contradiction ?
Elle a bâti un art bien modeste mais combien imaginatif.
Ce patrimoine toponymique créé par les résidents eux-mêmes pour le pur plaisir de communiquer, nous l'avons valorisé en le répertoriant sous forme de photographies.